Mardi 12 novembre 2024
Dongi Village / Sorowako – Soleil et pluie – 30°
Après 3 jours de transport, nous voici enfin arrivés à notre destination : le village de Dongi situé à côté de la ville de Sorowako à l’Est de l’île du Sulawesi en Indonésie.
Notre bus de nuit, bien moins confortable que celui du Vietnam, nous dépose à l’arrêt les yeux encore plein de sommeil. Nous sommes accueillis très chaleureusement par notre hôte, Aldi, jeune homme joyeux d’une trentaine d’année, avec lequel nous avons conversé longuement sur Whatsapp avant notre arrivée.
C’est lui qui nous a aidé à trouver le bus car c’était vraiment la galère pour parvenir à réserver un ticket. Il est adorable et nous emmène directement chez lui, à 3 minutes en pick up de l’arrêt du bus. Pas de place pour tous à l’avant du pick up. Allez hop, sacs et enfants à l’arrière pour le plus grand plaisir de Samuel.
Lorsque nous arrivons, c’est d’abord l’étonnement. « Il était un petit homme qui avait une drôle de maison. Sa maison est en carton, ses escaliers sont en papier. » C’est effectivement le couplet de Pirouette Cacahuète qui me vient aussitôt à l’esprit en observant mieux l’habitation. Construite à partir de morceaux de bois, de vieilles tôles et de plaques d’agglomérés récupérées, cette maison de bric et de broc n’a pas de cloison fermée. Le toit culmine à plus de 3 mètres au-dessus de nos têtes et une bâche a été tendue en dessous de la « charpente » en cas de grosse pluie. Ça me fait penser aux vieux WC de mon ancien collège où on n’osait pas faire pipi et encore moins popo car on savait que toutes les personnes dans la pièce allaient partager nos bruits et nos odeurs. Intimité bye-bye pour les 15 jours à venir.
Nous ne voyons pas trop de déchets à l’avant de la maison mais l’odeur qui se dégage par moment nous incite à penser que les détritus ne sont pas loin non plus. Des gens chantent dans la maison d’à côté en mode karaoké. A l’intérieur, c’est un accueil chaleureux qui nous est réservé. Nous faisons connaissance avec tous les membres de la famille : Mama Aldi (environ 46 ans et 80 kg bien pesés), Papa Aldi (environ 50 ans et une musculature à faire rêver tous les adolescents abonnés aux salles de sport), le frère d’Albi, Abdi (environ 25 ans et d’une grande timidité ) et le magnifique chat Candy (environ 5 ans et de longs poils blancs super doux). Il faut savoir que la famille est musulmane et ne fête jamais les anniversaires. Du coup, personne ne se souvient de sa propre date de naissance. Les âges sont donnés à titre purement indicatif.
Par ailleurs, une des habitudes culturelles du pays est d’appeler les parents du nom de leur premier enfant. Il s’agit là d’une marque de respect. Il n’est en effet pas poli d’appeler des parents par leur prénom. Nous devenons donc d’emblée Mama Nino et Papa Nino (les autres enfants peuvent aller se faire voir). Nous faisons également la connaissance d’Apolline, une énergique jeune femme de 22 ans, originaire de Metz, backpackeuse en solitaire souhaitant apprendre à mieux se connaître en se reconnectant avec la nature et la simplicité de la vie.
Les premiers moments tous ensemble sont un peu timides. Chacun se regarde et apprend à décrypter l’autre. Mama Aldi, avec sa verve et son énergie débordante, prend les devants. Elle parle un anglais imparfait, absolument parfait pour nous comprendre avec peu de mots et son rire communicatif emplit la maisonnée de joie.
Elle nous fait visiter la maison. L’entrée est un stock de costumes et de décors pour des mariages car son business est de louer le matériel pour les cérémonies. Très kitch mais plutôt accueillant. Nos chambres sont sommaires mais confortables. Nous avons des matelas et des draps propres. Nino et Adam partagent une chambre et Samuel a sa propre chambre juste à côté de la cuisine.
De cette visite c’est bien la salle de bain qui nous a le plus scotchés. Toilettes turques sans papier avec un bidon d’eau et un godet et, juste à côté, un plus gros bidon rempli d’eau également, c’est la douche. Ok. Il va vraiment falloir s’adapter.
C’est Mama Aldi qui prépare les repas car, ici, les hommes n’aident pas à la cuisine. Ils n’aident pas non plus dans l’entretien de la maison mais, par contre, quand il s’agit de construire une nouvelle pièce, un étage ou de réparer une fuite d’eau, ce sont eux qui s’y collent.
Papa Aldi travaille pour une compagnie d’extraction de nickel. Il supervise les chantiers. En effet, dans cette partie du Sulawesi, les sous-sols regorgent de nickel, précieuse matière première dans la fabrication de batteries. Par conséquent, de nombreuses compagnies étrangères sont venues s’installer sur l’île, ont acheté les montagnes, les ont rognées jusqu’à les transformer en plaine et ont replanté des arbres par-dessus. Faute d’avoir désormais un paysage vallonné, les habitants ont au moins du travail.
Le copieux repas du midi est délicieux et appelle à une bonne sieste en début d’après-midi. Enfin, pas pour tout le monde car Simon a hâte d’en découdre avec les tâches du Wwoofing. Il se désigne d’office pour aller donner un coup de main au montage d’un barnum installé pour un meeting en vue des élections régionales qui ont lieu le 27 novembre prochain.
A 16h, Mama Aldi nous informe qu’il est l’heure du cours quotidien d’anglais qui fait partie du projet de nos hôtes. La pluie s’est mise à tomber depuis 1 heure et Mama Aldi décide de faire le cours devant chez elle. Habituellement, l’anglais a lieu à 50 mètres de la maison, devant l’église du village mais l’espace n’est pas protégé de la pluie. Nous nous installons donc sous la « pergola » en tôles et attendons. 1 jeune garçon nommé Destan se présente quelques minutes plus tard. Le cours peut commencer. Evidemment, rien de protocolaire. Apolline, arrivée 4 jours avant nous, prend la séance en main et récapitule le vocabulaire appris avec elle la semaine passée. C’est très sympa mais on termine un peu avant car il n’y a pas assez d’enfant. Normalement, à 17h, c’est le cours de danse mais Mama Aldi l’annule aussi faute d’élèves.
Aldi propose donc de nous emmener découvrir le lac qui se trouve à 2 km de la maison. Et hop, tous dans le pick up ! Nous arrivons devant un ponton avec une vue exceptionnelle. Les montagnes, la forêt, le lac, c’est magnifique.
Ni une, ni deux, nous nous précipitons dans l’eau. Elle est claire et tiède. C’est délicieux. Avant de partir, Mama Aldi nous avait prévenu que les femmes ne peuvent pas se baigner en bikini ou même en maillot 1 pièce. Leur coutume, toujours liée à la religion musulmane, impose aux femmes de se baigner habillées. C’est donc avec un tee-shirt et un bermuda que je pique une tête. Certaines femmes se baignent même voilées de la tête aux pieds. Evidemment, Apolline et moi sommes très remuées par cette coutume qui, nous le pensons, restreint considérablement la liberté des femmes. Cependant, il convient de s’adapter aux us des pays que l’on traverse même si nous ne sommes pas en accord avec leurs règles.
Les locaux présents sur le ponton nous regardent avec des yeux de merlan frit et demandent s’ils peuvent nous prendre en photo. Ce ne sera pas les dernières !! Au Sulawesi, les habitants ont tellement peu l’occasion de voir des étrangers (appelés Boulés, Ouarf !) que nous sommes un peu des stars ici.
De retour à la maison, il est déjà l’heure du repas du soir. Mama Aldi souhaite nous parler des règles de notre séjour. Des règles ? Quelles règles ? Simon et moi nous regardons interloqués car nous ne savons pas du tout de quoi elle veut nous parler.
Elle nous explique que, pour pouvoir payer nos repas, elle a besoin qu’on paye 85 000 roupies indonésiens (environ 5 €) par jour et par personne. Et voilà, cette histoire d’argent recommence comme au Vietnam. Crotte de bique ! Nous tenons à Mama Aldi le même discours qu’à la Hygge Farm sur les principes de bases du Wwoofing et que nous n’étions pas du tout au courant avant de venir. Elle paraît complètement désappointée et ne s’attendait pas du tout à une réaction de notre part. Nous lui disons que nous devons y réfléchir et chacun part se coucher sur une sensation désagréable doublée d’une grosse crispation.
J’ai le temps d’en toucher un mot à Apolline qui, elle aussi, a été surprise par cette demande mais n’a pas osé refuser car c’est son premier wwoofing. Nous décidons d’attendre un peu avant de prendre une décision.
Nous mettons un certain temps à nous endormir car, en Indonésie, un peu comme au Vietnam, l’un des dadas de la population est le Karaoké. C’est donc sur des musiques endiablées et des voix plus ou moins criardes – les deux voisines de Mama Aldi adoooooooorent chanter – que nous parvenons à nous endormir.
Mercredi 13 novembre 2024
Dongi Village / Sorowako – Soleil et pluie – 30°
Nous dormons du sommeil du juste jusqu’à … 4h du matin. Et à 4h tapantes, réveil en fanfare : l’appel à la prière musulmane diffusée dans tous les haut-parleurs de la ville, résonne à nos oreilles. « Allah akbar, allah akbar, allaaaaaaah akbaaaaar ». Ok, Dieu est grand, on a compris. Mais si Sa Grandeur pouvait nous laisser dormir encore un peu, on serait vachement contents !!! 4h30, fin de la prière. Hallelujah ! Sitôt rendormis, sitôt réveillés par les dizaines de coqs du coin qui considèrent que 4h30 est une bonne heure pour cocoricoter. J’en égorgerai bien quelques uns vite fait mais la fatigue prend le dessus et on parvient malgré tout à se rendormir jusqu’à … 5h30 : heure de réveil de la famille Aldi. Et c’est parti pour la cuisson du petit dej et des discussions incompréhensibles mais bien audibles dans notre maison en papier. J’ai envie de pleurer de fatigue !
7h30 : On s’extrait du lit. Simon, comme d’habitude est frais comme un gardon. On ne peut pas en dire autant des 4 autres Goasguen qui ont bien du mal à ouvrir les yeux.
Au petit dej, c’est sandwich à l’œuf et aux légumes. Parfait pour Simon, Nino et Adam mais Samuel et moi avons des hauts-le cœur. On mange juste le pain et expliquons à Mama Aldi qui fait la gueule qu’on préfère le sucré au petit déjeuner. Elle prend l’information mais nous ne savons pas si elle la traitera.
Ce matin, les enfants démarrent le CNED. La connexion wifi (qu’on doit payer en plus) n’est pas folle et on se demande si on va réussir à faire les devoirs en ligne et se connecter avec Mamou. A suivre.
Simon et Nino partent avec Apolline et Aldi pour nettoyer et aménager une piste de descente de VTT. Dans un mois, le comité de cross VTT de Sorowako organise un festival. Toutes les pistes doivent donc être prêtes avec les obstacles installés. Il y a trois pistes en tout. Ils travaillent d’arrache -pied et, en fin de matinée, la piste 1 est prête. Ils sont ensuite invités à manger chez le président du club de VTT (Sorowako Bicycle Community), Vikri, où il font connaissance avec les membres du club et amis d’Aldi. Ils ont droit à des histoires passionnantes autour des us et coutumes de la population du Sulawesi. On leur montre également quelques vidéos de pratiques très violentes qui marquent beaucoup Nino.
Pendant ce temps, je pars en scooter avec Mama Aldi (qui fait toujours la gueule) pour aller déposer nos passeports à l’administration. Comme au Vietnam, toutes les personnes accueillant des étrangers chez eux doivent les déclarer. C’est une obligation. Nous ne sommes pourtant plus sous un régime communiste mais bien dans une démocratie qui ressemble un peu à une monarchie (le fils du Président actuel est son Premier Ministre et deviendra le prochain Président) et où il semble que l’Etat aime surveiller ses sujets de près.
En rentrant de Sorowako, Mama Aldi me demande de l’aide pour préparer le repas. Ce n’est en fait qu’un prétexte pour revenir sur la discussion de la veille à propos des sous. Je sens bien que cela la contrarie énormément et nous discutons ensemble durant 1 heure et demi. A la fin, chacune a bien compris le point de vue de l’autre. Mama Aldi me propose de ne payer que pour 3 personnes. Je lui dis qu’il me faut d’abord en parler à Simon mais cela me semble un bon deal.
Je vois bien que la famille ne s’enrichit pas sur le dos des wwoofers. Ils vivent dans des conditions très sommaires et ont des moyens limités. Nous ne voudrions pas les mettre en difficulté.
Seule allongée sur mon lit, je passe le début d’après-midi à ruminer des idées noires car, une fois de plus, j’ai le mal du pays. Les conditions sommaires et la chaleur atteignent mon moral. Je ressassent toujours les mêmes questions à chaque arrivée en terre inconnue : Qu’est-ce qu’on fout là ? A quoi ça rime de vivre ça ? Pourquoi est-ce qu’on impose ça à nos enfants ? Quel est l’objectif de toute cette débauche d’argent et d’énergie ? Bref, un beau moment de profonde déprime que je réprime au fond de moi car je ne souhaite pas transmettre mes ondes négatives aux enfants.
Le retour de Simon à 16h et le cours d’anglais me font du bien. Apolline a écrit une pièce de théâtre en anglais exprès pour les enfants autour d’une légende locale « Malin Kudang ». Nous leur expliquons la pièce avec force gestes et expressions faciales. Les 10 jeunes présents ont l’air plutôt intéressé mais ont du mal à rester concentrés. Nino est extraordinaire. Il prend le job très à cœur et nous donne un sacré coup de main.
Samuel, de son côté, se sent particulièrement agressé par les enfants qui sont tombés sous son charme (« à la Justin Bieber » disent-ils) et qui veulent absolument le prendre en photo et rester à côté de lui. Pas facile ces premiers jours dans un nouveau pays pour notre petit dernier.
Pendant le repas du soir, nous disons à Mama Aldi que c’est ok pour la contribution financière. D’un coup, elle se détend. Elle nous demande de la payer maintenant afin qu’elle puisse acheter les ingrédients pour les prochains repas. Ok, pas de souci. Une fois la contribution payée, tout le monde peut profiter pleinement.
La soirée se termine en chansons. Etant incapables de dormir avec des voix suraiguës et des boum boum dans nos oreilles, autant nous associer au Karaoké. Nous passons ainsi un chouette moment chez la voisine à chanter à tue-tête du Jean-Jacques Goldman, histoire d’empêcher nous aussi les autres de dormir ! Gniark, gniark ! Papa Aldi est aussi de la partie. Nous commençons déjà à nous adapter !
C’est vraiment génial Charlotte tout ce que tu nous transmet à travers ce blog . J’adore ! Et courage vous vivez de belles choses !
« Moi, je suis con, mais pas au point de voyager pour le plaisir. Ça, non, quand même pas », confiait Gilles Deleuze dans son Abécédaire. Je crois que cette phrase illustre bien vos débuts en Indonésie !