Lundi 17 mars 2025
Kilampa / Soleil et nuages / 20°
On a mis le réveil à 7h car on ne veut pas être en retard pour notre première véritable journée de wwoofing. Je me sens fatiguée ce matin. Nous sommes les premiers au petit déjeuner. On ne sait pas trop quoi faire. On prend les pommes, le raisin et les noix et on commence à grignoter. C’est un peu bête de manger tout seuls. C’est décidé, demain on gagne 15 minutes de sommeil.
Nous sommes toujours dans l’incertitude concernant l’organisation du temps d’école pour les garçons. On attend le bon moment pour relancer nos hôtes car Intiam, le « leader » du groupe, est difficile à cerner et ne semble pas toujours dans de bonnes dispositions pour répondre aux demandes. On lui posera la question après l’activation corporelle. Ce moment tous ensemble en cercle est très agréable. Il permet à la fois de réveiller son corps mais aussi de se connecter dès le début de la journée avec la nature.
C’est l’heure de la répartition des tâches. Ce matin : une équipe de cuisine, une équipe de conserve de pommes et une équipe de ménage. On est dans la team conserve. Chouette ! On commence à couper une énorme quantité de pommes. Nous venons à peine de démarrer quand Intiam vient me voir pour me dire que c’est bon pour les enfants. Il a appelé la maîtresse et elle les attend à l’école. Ni une ni deux, nous voilà tous les trois sur le chemin de l’école laissant Nino et Simon à la tâche.
25 minutes de marche sous le soleil sur un chemin de terre tortueux au milieu de la pampa argentine. C’est dépaysant et tout à fait nouveau. Pensant qu’il faisait froid, les enfants ont mis leur doudounette. Rapidement, ils la retirent car on commence à avoir bien chaud. On se demande comment une école peut bien être quelque part ici. Il n’y a rien. Et pourtant après une butte et un virage, un bâtiment blanc surgit et nous voilà arrivés. Je vais voir la maîtresse pour nous présenter. Elle est contente de nous recevoir et nous explique qu’il n’y a pas d’élève aujourd’hui. Les enfants peuvent donc s’installer à la table principale (bon, en vrai, il n’y a qu’une seule table pour 4 personnes). Cette école accueille habituellement 2 élèves, 2 frères. Et c’est tout. En intégrant la structure, Adam et Sam doublent l’effectif. Ici, il y a tout ce qu’il faut : branchement électrique et wifi. Nickel ! J’échange un peu avec la maîtresse au sujet de l’organisation de la semaine puisque les enfants viendront travailler tous les jours. Elle ne parle qu’espagnol. Ce n’est pas évident de se comprendre mais, comme d’habitude, on s’en sort.
Je profite de la connexion wifi pour envoyer un message à nos familles, leur dire que tout va bien et récupérer mes messages. J’ai choisi une excursion organisée pour découvrir le Salar d’Uyuni en Bolivie mais apparemment la Bolivie connait un temps de crise économique forte et l’essence est introuvable ou à des tarifs fous. Je ne sais donc pas si l’excursion sera maintenue. Nous restons en contact avec le guide et prendrons une décision d’ici une ou deux semaines.
L’absence de connexion à Kilampa ne nous permet pas d’organiser la suite de notre voyage de façon fluide. Ce n’est pas évident mais nous avons déjà prévu nos 6 jours à Salta après Kilampa où nous serons dans de bonnes conditions pour anticiper la suite.
En relevant mes messages, j’apprends par papa que la maison mitoyenne de la nôtre à Amiens est en vente. Il faut que nous en discutions avec Simon. C’est peut-être une bonne opportunité. A voir… J’en profite aussi pour boucler l’évaluation CNED de français avec Samuel puis je quitte les garçons et les laisse travailler en autonomie. Il est déjà 11 heure quand je prends le chemin retour pour Kilampa. Les garçons travailleront jusque 12h30 et rentreront tout seuls ensuite.
Je retrouve Simon et Nino en pause. Ils ont fini la découpe des pommes. Pas le temps pour moi de me changer car on enchaîne déjà sur le deuxième temps de travail. Me voilà embarquée avec Corinne pour replanter des salades sous la serre. C’est super, j’adore ! Leurs serres sont magnifiques et ça me donne des idées pour notre retour a Amiens. J’aimerais beaucoup développer un peu mon potager et m’inspirer de leurs méthodes de plantation pour diversifier nos cultures.
Simon et Nino poursuivent l’activité conserve avec la mise en bocal. Les pommes qui ont cuit après la découpe sont placées dans les bocaux à l’aide d’entonnoirs fabriqués en bouteille plastique (recyclage oblige). Les bocuax sont ensuite fermés hermétiquement puis plongés dans de grandes bassines d’eau chaude afin de les stériliser. Le tour est joué, les réserves pour l’hiver faites.
La gestion du plastique ici est assez drastique. Personne n’amène de nourriture sous emballage, pas de sacs, pas de tupperware (pas de frigo de toute façon). Le plastique a été banni de l’endroit. Après avoir vécu dans des lieux comme l’Indonésie, c’est agréable de voir qu’il est possible de vivre sans plastique. Les quelques résidus trouvés ça et là sont regroupés dans un bocal unique de 5 litres qui doit contenir les détritus de plusieurs mois.
À 13h les écoliers sont de retour, contents de leur matinée. Les ordinateurs, téléphones, batteries externes sont rechargés. Ils survivront à l’expérience Kilampa ! Il est l’heure du repas. On se régale de pommes de terre et potimarrons accompagnés de salade, tomates et pesto. À peine le repas avalé, je file faire une petite sieste. Je me sens épuisée. Est-ce le changement d’alimentation?
Dans l’après-midi, nous nous lançons avec Simon dans des réflexions sur le bien fondé ou non de l’achat de la maison mitoyenne d’Amiens au regard de notre intérêt futur et de nos finances. On est un peu perdus. On fait appel à notre copain Nono, champion du monde des travaux tout terrain. Il nous dresse la liste des avantages, des inconvénients et de toutes les choses auxquelles il faudra penser si on se lance dans un achat. La liste est longue. Après de rapides tergiversations, on décide de laisser tomber l’achat. Nous aurons besoin en rentrant de sérénité et de simplicité et surtout pas d’une telle charge mentale. La décision prise me soulage d’un poids. Je vais pouvoir me recentrer sur le présent.
Arrive l’heure de la session de travail de l’après midi. Il faut deux groupes : un pour les noix et un autre pour le jardin potager avec plantation d’ail. Nino croise toutes les parties de son corps pour ne pas être affecté aux noix. Heureusement, Simon et lui partent au jardin. Il est soulagé. Pour ma part, je me retrouve embarquée dans l’équipe des noix mais j’aime bien ça.
Pour les garçons, une fois l’ail planté, ils enchaînent avec du désherbage et la création de nouveaux sillons pour de futurs plantations. Les habitants de la communauté continuent d’étendre leurs terres arables pour pouvoir atteindre au maximum l’autonomie alimentaire. Simon transpire enfin, il est heureux et ne veut plus s’arrêter. De mon côté l’accumulation écran – noix – soleil crée le combo parfait pour un bon mal de tête.
Le repas du soir est toujours aussi convivial mais nous ne trainons pas longtemps à table. Le besoin de sommeil est nécessaire pour nous tous.
Mardi 18 mars 2025
Kilampa / soleil / 22°
Le soleil nous accueille dès les premières heures du jour. La propriété resplendit sous ses rayons. C’est bon !
8h30 : premier son de cloche et activation corporelle. Aujourd’hui nos petits gars partent seuls, sac au dos, sur le chemin de l’école. Ils sont trop mignons et cela me replonge quelques années en arrière lorsqu’ils empruntaient le chemin du tour de ville pour l’école de Poulainville et où, leurs petites mains dans la mienne, nous parcourions les quelques mètres jusqu’à la grille, de l’amour plein le cartable. Soupirs… Ils seront de retour pour 13h. Bon CNED mes loulous !
Répartition des équipes pour la première partie de la matinée.
Equipe 1 / pas nous / laboratoire (on ne sait pas encore ce que cela veut dire).
Equipe 2 / pas nous / consolidation de la serre.
Équipe 3 / nous / ramassage de noix. Au secours !!!! Des noix, encore des noix et toujours des noix !! Nino est au plus mal mais il fait contre mauvaise fortune bon cœur et part récolter. Il faut dire que la consommation journalière de noix est importante ici, il est donc nécessaire de faire des réserves. En deuxième partie de matinée, mission bois : ramassage dans la forêt et stockage pour l’hiver à venir. Nino n’est guère plus motivé, il dit ressentir « une grande fatigue psychologique », ce qui le fait se mouvoir comme un escargot dépressif. Se lancer dans des tâches sans fin (ce qui est le cas des noix et du bois) est toujours pour lui très difficile.
Nous sommes bien contents d’arriver à la pause du midi. On retrouve nos petits autour du repas partagé à l’ombre des arbres. Le chauffe-eau a été mis en route en allumant un feu de bois et donc c’est tournée de douches pour le groupe 1. Nino et moi y avons droit. Youpi ! Ça nous fait un bien fou. Nino se sent à nouveau en pleine possession de tous ses moyens, comme si la douche l’avait lavé de ses interrogations et de sa négativité. Cool ! C’est moins cher qu’une séance chez le psy !!
Dans l’après-midi, passage à l’école pour aller chercher un peu de connexion wifi. Nous avons plusieurs missions :
1/ Prendre nos billets de bus pour revenir à Cordoba le mardi 25 mars. Le 24 étant férié, pas de bus possible, il faut donc partir ce vendredi ou pousser jusqu’au mardi suivant. Nous étions dans l’attente de la réponse de nos hôtes et celle-ci est positive, ils nous gardent. Youpi!!! Par contre, impossible d’acheter les billets en ligne. Zutacrottes !
2/ Annuler notre Airbnb de Cordoba car Agus, l’une des autres volontaires, nous a proposé de loger chez elle pour une nuit. Sympa !
Nous sommes de retour pour l’activité de l’après-midi à 17h30. On se sépare à nouveau en deux groupes l’un au laboratoire et l’autre pour récolter les potirons et tournesols. Je fonce sur l’activité laboratoire car j’ai cru comprendre qu’il s’agissait de créer des huiles essentielles. J’ai vraiment trop envie de comprendre le processus et d’assister à cette magie. Je m’engouffre donc dans le labo et, guidée par Aïmarinaï et entourée de Agus, Tania et Fernanda, nous réalisons de l’huile essentielle de lavande. 500 grammes de lavande séchées (réalisée à partir de 1,5kg de lavande fraîche), un alambic et hop, deux heures plus tard, nous assistons médusées à la séparation de l’hydrolat et de l’huile essentielle. Un miracle de la nature !!!! Emerveillée par ce processus et enchantée par ce moment très chaleureux entre filles, que nous poursuivons autour du repas du soir, je rejoins mes hommes vers 21h30 dans notre dortoirs et les trouve déjà à moitié endormis. Nino et Simon ont, de leur côté, récolté puis égrainé les tournesols séchés. Un atelier auquel j’aurais bien voulu participer également.
Mercredi 19 mars 2025
Kilampa / soleil / 23°
C’est reparti pour un nouveau jour à Kilampa, tout le monde se lève du bon pied, même le petit Ninouche. Je raconte aux garçons mon atelier de la veille et ma soirée. Je suis vraiment enchantée de ce que j’ai vécu durant ces quelques heures. J’ai énormément penser à Aliénor et je l’imagine bien se lancer dans la production d’huiles essentielles artisanales. Je suis certaine qu’elle adorerait ! Allez hop, direction petit déjeuner puis réveil musculaire. Une petite routine s’installe.
Ce matin la tâche va se concentrer sur les manzanas (les pommes), c’est découpe puis conserve. Simon applique, dans un souci d’efficacité, le travail à la chaîne, hommage à Mr Taylor. On en profite pour échanger avec nos compagnons de travail. On parle de nos vies respectives et des façons d’appréhender la vie. Leandro évoque un livre « à lire absolument pour trouver des réponses ! »: The power of now. Je vais essayer de le dégoter dans une librairie en rentrant.
Après la pause du matin, on se répartit sur le nettoyage et le remplissage des bouteilles de manzanas. C’est une organisation bien rôdée.
Le retour des enfants signe l’heure de la fin du travail de la matinée et celle du repas. Nous sommes bons pour retourner à l’école cet après-midi afin de retenter de prendre nos billets de bus mais chou blanc, une fois de plus . Pfff ! C’est bien relou ! On est bons pour revenir demain.
De retour à Kilampa, on retrouve notre petit Samuel qui s’est acquitté de la tâche du nettoyage de notre dortoir. Merci Loulou ! C’est pas si mal un endroit sans connexion finalement. 🙂 Et c’est déjà reparti pour la répartition des activités de l’après-midi. 3 possibilités : repiquer, transplanter ou moudre. Ce sera un Goasguen dans chaque équipe : je repique salades et choux, Nino transplante ail et oignons et Simon moud du maïs. C’est bien physique, parfait pour notre homme fort.
19h sonne la fin des activités. Il y a encore de l’eau chaude pour la douche. Ce midi, c’était le tour de Simon, Adam et Samuel mais, comme il reste de l’eau, je profite de cette bénédiction pour y retourner moi aussi. Hihihi !!! On se fait plaisir comme on peut.
Petite anecdote de fin de journée : avant d’aller se coucher, Nino a une envie pressantes mais tous les seaux des toilettes sèches sont pleins. L’incroyable jeune homme prend alors son courage à deux mains (ou plutôt prend les seaux à deux mains) et va vider les seaux dans le compost spécial caca. Rien à dire, mon fils est désormais un héros !
Jeudi 20 mars 2025
Kilampa / Soleil et vent / 20°
On retrouve notre routine bien établie, petit déjeuner puis réveil musculaire, c’est agréable car on change de leader, une autre activation davantage axée sur les articulations et les étirements ce matin.
Puis une seule équipe tous ensemble : nous allons chercher du bois (encore !!). Il faut absolument augmenter le stock pour l’hiver à venir. On récupère les branches mortes. On ne coupe pas d’arbre. C’est ça aussi le respect de la nature. Ca permet de nettoyer le terrain tout en utilisant les ressources naturelles qu’il prodigue.
J’en profite pour faire un petit aparté sur la question du véganisme dans cette communauté car il est en étroit rapport avec le respect de l’environnement. J’ai évidemment interrogé nos hôtes sur les origines et les raisons de cette spécificité alimentaire. Les origines sont lointaines et le véganisme date d’avant l’arrivée des actuels membres de la communauté. Mais, tous, sont d’accord avec ses valeurs. Ici on ne veut pas « profiter » des animaux, ni de ce qu’ils produisent, ni de ceux en quoi ils sont faits. En d’autres termes, pas question de manger une poule bien entendu mais hors de question de manger ses oeufs qui seraient une façon de profiter de l’animal. Même chose pour la vache et le lait. Par contre, une réflexion est en cours sur le miel. Il existerait une forme de collaboration possible avec les abeilles et donc la récolte du miel pourrait être une possibilité de partage entre l’animal et l’homme. Bon, je n’ai pas tout à fait compris mais j’ai eu l’impression que ce n’était pas très clair non plus pour eux. Intiam a d’ailleurs prévu de partir en formation dans une autre communauté identique pour étudier la question.
Simon se fait recruter pour manipuler la scie et couper les branches à la taille adéquate pour le stockage. On retrouve une activité bien connue de nos précédentes expériences de wwoofers. Couper du bois !!! On devient des champions du monde (enfin, surtout Simon).
Après la pause de 11h, on se sépare en trois équipes : une pour le nettoyage des sanitaires, une pour la découpe de plantes en vue de les faire sécher et une pour le stockage du bois. Ouf ! On évite les sanitaires. Nino n’avait vraiment pas envie de se farcir à nouveau le nettoyage des seaux. Lui et moi partons donc dans les champs mais Simon qui a très envie de se donner à fond, poursuit à la découpe et au stockage du bois, évidemment.
Le repas du midi nous réserve une belle découverte : une pizza à base de polenta, c’est un régal ! Précisons d’ailleurs que ces pizzas ont un goût tout à fait spécial car elles ont été réalisées avec le maïs moulu hier par Simon. Une petite touche d’amour en plus. En tout cas, il faut qu’on note la recette.
Bon, le début d’après-midi ressemble aux précédents, direction l’école pour une connexion Wi-Fi et organiser la suite. Nous sommes toujours dans l’expectative par rapport aux billets de bus. Maintenant c’est le Airbnb de Salta qui nous envoie un message pour nous apprendre qu’il y a un problème mais ouf ils finissent par trouver une solution et nous relogent rapidement. Pas d’inquiétudes supplémentaires.
De retour à Kilampa, on profite de la présence de tous pour faire la photo de groupe. Pas facile mais ma force de persuasion (et mon harcèlement quotidien aussi) ont raison de tous les réticents. La photo est magnifique ! Je suis ravie !!
Pour la fin de journée, pas d’activité mais un temps de synthèse pour exprimer ses ressentis par rapport à l’expérience de ces derniers jours. Demain, les autres volontaires s’en vont et nos hôtes pensent qu’il est important d’échanger autour de ses émotions, positives comme négatives. J’adhère évidemment. Les enfants participent avec cœur et partagent leurs ressentis avec tout le monde. C’est chouette de les entendre. Ils parlent de déconnexion, de découverte, de communication non-verbale. Je verse quelques larmes (ça faisait longtemps).
Après le repas du soir, on termine la journée par un jeu de mise en situation dont le thème est la co-création d’une communauté. Nous devons tous ensemble, une petite quinzaine de personnes, faire consensus afin de décider des priorités du premier semestre dans la vie de la communauté. Ensuite, nous passons au deuxième semestre mais en rencontrant des difficultés comme la sécheresse ou le fait que certains ne participent pas aux tâches… Et on termine par le troisième semestre. Au bout de cette année et demi, notre communauté est-elle viable? Peu importe la réponse, la conclusion est surtout qu’il n’est pas simple, en grand nombre dans un temps réduit, de s’organiser, de laisser tout le monde s’exprimer et de faire consensus. Lors de notre débriefing du soir avec Simon, nous convenons tous les deux que nous ne sommes pas prêts à entrer dans une communauté pour le moment. (Et peut-être jamais).
Photo bonus d’un pur moment de communion offert par la nature