Tout droit jusqu'au matin …

Stupeur et tremblements

Samedi 7 décembre 2024

Mount Tomah – Chez Mandy / Kangaroo Valley / Soleil/ 30°

Ce matin, comme prévu, départ à 6h30. Les enfants prévenus la veille sont au taquet.

Nous refermons avec un pincement au cœur les portes de notre mignon Airbnb avec vue sur splendeur et nous prenons la route. Simon est maintenant familier de la conduite à gauche et cela ne lui pose plus de difficulté hormis peut-être celle de faire fonctionner les essuie-glace à la place du clignotant. 

Nous arrivons à notre point de RV à 9h. Mandy arrive quelques minutes plus tard avec son impressionnant pick-up blanc et sa magnifique chienne Jessy. Tout dans son physique raconte déjà la femme forte et indépendante qu’elle est. Une constitution robuste, charpentée avec quelques fragilités dans sa démarche, un probable problème de santé. Son vif intérêt pour nous lors de nos échanges sur WhatsApp nous avait déjà beaucoup touché. Son grand sourire chaleureux et son regard bienveillant finissent de nous conquérir. 

Elle nous propose de la suivre jusque chez elle en nous prévenant une nouvelle fois de l’état dévasté et bordélique de son terrain.  Quinze longues minutes plus tard, nous arrivons dans notre nouveau chez nous pour les trois prochaines semaines. 

Suite à sa description de l’endroit lors de notre visio 2 mois auparavant, j’avais essayé de me projeter et d’imaginer notre futur espace de vie. Même en étant prévenus en amont, après notre expérience en Indonésie, il me semblait qu’on ne pouvait pas être confrontés à des conditions plus sommaires. Je me trompais. 

Nous arrivons dans un terrain décharné. Les arbres ont été en partie ravagés par un feu de forêt il y a 5 ans et repoussent lentement. Certains sont morts et attendent d’être coupés avant qu’une rafale de vent ne les renverse.  De loin, l’endroit ressemble à une décharge de matériel en tout genre, poutres en bois, grillages, étaux, bouteilles en verre, baignoires, bidons, outils… Nous arrivons sous un soleil de plomb. Nous pensions trouver à minima chez Mandy un refuge contre le soleil mais le terrain de poussière manque cruellement d’ombre. Aie, aie, aie ! Je pense aussitôt à mon petit Samuel si sensible au soleil. D’ailleurs, il n’est pas en grande forme ce matin. La fatigue probable de la nuit écourtée. 

Mandy nous fait visiter ce qui nous tiendra lieu de maisons pour les trois prochaines semaines. Il s’agit de deux caravanes dans lesquelles nous posons nos sacs. Ok,ok. Avec un petit coup de ménage et des draps propres, cela fera parfaitement l’affaire. Méthode Coué en action !

Nous visitons ensuite le coin “salle de bain” de Mandy : un wc composteur et une douche improvisée à ciel ouvert. Pour nous, elle projette d’installer dès aujourd’hui des toilettes sèches fermées. Ouf, me voilà rassurée, hum! Le bac en plastique faisant office de « lavabo » dans l’espace « cuisine » nous tiendra lieu d’espace beauté. Bon, j’ai bien fait de m’épiler avant de venir ! Ici, les poils reprendront leurs droits, tant pis. Le confort de notre Airbnb est maintenant bien loin derrière nous. Soupir…

J’observe les réactions des enfants qui, interloqués dans un premier temps, semblent déjà s’accommoder de la situation. Cette nouvelle expérience les enthousiasme plutôt. Bon, j’exagère un peu car Nino a très peur des bêtes et des insectes que moultes amis lui ont décrit comme énoooooormes en Australie. On interroge Mandy sur ce point. Elle tente de rassurer notre grand sans pour autant lui cacher que, oui, les proportions des petites bêtes ici ne sont pas les mêmes qu’en France. Ohlalalalala !! Allez, courage mon Ninouche. Sache que je partage tes peurs. Tu n’es pas seul dans la tourmente mentale. 

Notre coin « cuisine » est peut-être le lieu le plus déconcertant. Ouch ! Il se résume à un camping gaz et un bidon d’eau en plastique rempli d’eau potable. Pas d’eau courante ici. Ben non, faut pas rêver quand même.  Il faut faire venir de l’eau par camion puis la basculer dans un énorme tank qui sert de stockage et convient à tous les usages. Ensuite, plusieurs fois par jour, il faut remplir le bidon de 25 litres pour notre usage courant. Petit problème (de taille tout de même), ce bidon est « protégé » par la partie avant de notre van mais se trouve finalement en plein soleil toute la matinée. Impossible donc de boire de l’eau chaude plastifiée. Elle nous servira pour la cuisine et notre petite toilette. Pour la boisson, il nous faudra aller directement remplir nos gourdes au tank. Nous ne comprenons pas bien comment nous allons pouvoir faire à manger dans ces conditions. Hihihihi! (Début de rire hystérique) mais nous ne doutons pas parvenir rapidement à nous adapter à ces nouvelles contraintes. Couuuuuuuééééé !

Mandy nous fait visiter ensuite le van “électricité” alimenté par les panneaux solaires posés sur son toit. En effet, la propriété n’est pas reliée au réseau électrique de la ville (évidemment !). Mandy produit donc sa propre électricité et est même connectée au wifi. Elle a mis tout cela en place spécialement pour notre venue sachant que nous avions besoin du Wifi pour l’école des enfants. C’est adorable ! Espérons que tout cela fonctionne correctement afin que les enfants puissent poursuivre leurs études sereinement (fingers crossed !). 

Nous terminons la visite par ses “appartements”, une autre caravane aménagé, et le jardin potager, quelques mètres carrés de plantes en pot protégées des kangourous et des lapins grâce à un grillage sommaire. Le terrain est immense (135 hectares) et Adam remarque tout de suite les magnifiques rochers qu’il envisage d’explorer dès demain. 

Mandy commence à nous expliquer son projet à long terme : construire une série de Cob Houses, petites maisonnettes construites en terre séchée, argile et paille, pour pouvoir accueillir des jeunes en perdition. Elle travaillait avant comme assistante sociale auprès des enfants en difficulté et déscolarisés quand elle était plus jeune et souhaite poursuivre cette action. Mandy a 66 ans. Depuis l’incendie de sa propriété, elle a décidé de quitter son emploi pour se consacrer à la rénovation de son terrain et vit actuellement sur ses propres économies. Elle ne percevra sa retraite que l’année prochaine. Eh oui, en Australie, tu bosses jusqu’à 67 ans et tout le monde trouve ça normal au regard de la progression démographique. Point de grève, point d’esclandre, tout le monde au boulot !!

Il est 10h passée, l’heure pour Simon de reprendre la route en direction de Sydney pour rendre notre voiture de location. C’est toujours un moment émouvant et désagréable de devoir se séparer. Allez, si tout va bien, nous le retrouvons dans quelques heures. A peine le temps de dire « pourvu que je ne croise pas d’araignées en allant boire ». Nous regardons donc s’éloigner notre mari et père et, sans transition, démarrons notre premier chantier. 

Mandy qui a à cœur que nous soyons bien installés souhaite mettre en place dès aujourd’hui les nouveaux WC compostables. Adam et Nino se mettent donc à creuser un trou qui accueillera la poubelle, lieu terminal de nos déjections quotidiennes. Ici, pas de sciure de bois, les feuilles mortes récupérées dans le terrain feront l’affaire pour que le compost prenne.

Nous faisons connaissance avec nos ennemies numéros 1 : les mouches ! Agressives et nombreuses, elles n’hésitent pas à venir se poser sur nos lèvres, dans nos oreilles, sur nos yeux et dans nos narines. Mais que cherchent-elles !!!! Argh !!! (Folie montante). Mandy nous donne à tous ce que nous appelleront des « mouchtiquaires » qui nous permettent de tenir les bestioles à distance de notre visage au moins. Ravissant !

Samuel essaie de se protéger du soleil comme il peut en cherchant des zones d’ombres peu évidentes à trouver quand le soleil atteint son zénith. Pour installer le nouveau WC, Mandy utilise une machine incroyable : une excavatrice, sorte de tractopelle multifonction qu’elle manie avec virtuosité sous nous yeux ébahis. 1h30 et quelques tee-shirts trempés de sueur plus tard, nous avons donc de nouveaux WC grand confort. Génial! Cela permettra un peu plus d’intimité dans nos temps méditatifs de purge digestive.

Allez hop, c’est déjà l’heure du repas. Mandy me confie les clefs de la voiture de son amie Carolyn, prêtée le temps de notre séjour et nous guide à Kangaroo Valley jusqu’à un mignon petit restaurant « Le Général ». Rien que du « fait maison ». Nous nous régalons de tartines bien fraîches avec de bons légumes parfaitement assaisonnés, de croissants chauds fourrés au jambon et tomates et de burgers au lard grillé. Miam! 

Un peu échaudée par les précédents Wwoofings, je profite de ce moment tranquille pour échanger avec elle sur les conditions financières de son accueil. Elle me répond très simplement que, pour elle, le principe du wwoofing est clair : il s’agit d’un échange de temps de travail contre logement et nourriture donc c’est elle qui prendra tout en charge. Je lui dis que nous pouvons apporter une contribution pour les deux plus jeunes qui ne travailleront pas mais elle refuse tout net. Bon, cette fois, comme en Norvège, le deal initial sera bien respecté. Chouette! 

Après le déjeuner, nous allons faire un saut à la rivière histoire que les enfants se rafraîchissent un peu. Samuel, comme de coutume, est le premier à l’eau mais le pauvre chou en ressort aussitôt griffé puis mordu par une bête aquatique non identifiée. Refroidi par cette triste déconvenue, il se rhabille sans avoir pu profiter de l’endroit. Nino et Adam, légèrement perplexes après la difficulté de Samuel se jettent quand même à l’eau et rejoignent rapidement l’autre rive de la rivière composée d’un magnifique mur de pierre où se trouve un psycho bloc (bloc d’escalade dans lequel tu tombes à l’eau quand tu lâches). Ni une ni deux Adam se lance mais le bloc semble difficile, il faudra revenir . 

Après la rivière, nous prenons la route direction Bowral où nous allons récupérer Simon au train de 15h20. Génial, la famille est de nouveau réunie ! Tout s’est bien passé de son côté et nous retrouvons notre cher et tendre bien fatigué mais serein. 

L’après-midi se termine entre magasin de bricolage, lingerie automatique, supermarché et resto mexicain. Nous finissons notre périple chez Carolyn qui nous prête un matelas et des draps pour améliorer le confort de nos vans. 

Il est maintenant l’heure de rentrer et, trois quart d’heure de route plus tard, après avoir croisé le chemin de nos premiers kangourous et  wombats, nous voici de retour sur notre terrain de camping. Il fait nuit, nous nous attelons donc rapidement à installer les lits. Les courses restent dans le coffre. La température est tombée à 15 °. On verra ça demain au grand jour. 

J’écris cet article à 3 heure du matin après être allée faire un petit tour dans nos nouveaux WC en tongs et mini short et être tombée sur la plus belle araignée de ma vie. Ahaaaaaaaaaaaaa !!!! Horreur et damnation! Mais qu’allais-je faire dans cette galère?  Finalement, je préfère laisser la belle tranquille et je trouve un spot dans la nature. Bon, au regard de l’ensemble des autres bêtes qui auraient pu m’attaquer, l’idée n’était pas brillante mais on fait ce qu’on peut entre frousse et vessie prête à exploser. Maintenant, je suis bien réveillée. Cela me donne l’occasion de découvrir l’extraordinaire ciel étoilé dans cette nuit parfaitement noire, absoute de toute pollution visuelle. Quelle splendeur ! Je n’ai toujours pas sommeil lorsque je retourne dans mon lit. Simon, lui, dort depuis bien longtemps déjà. Je décide de prendre la plume accompagnée du ronronnement rassurant de mon époux à mes côtés. Une heure et quart et ces quelques lignes plus tard, mes yeux picotent. Cette première journée de wwoofing australien nous a réservé bien des surprises entre enthousiasme, découverte, stupeur et tremblements.  Il est temps à présent de poser le crayon et de démarrer mon acclimatation. 

 

Une réflexion au sujet de “Stupeur et tremblements

  1. Brigitte HIEZ

    Que de découvertes, que d’aventures !
    Ravie de pouvoir découvrir tous ces pays à travers tes fabuleux récits Charlotte
    Bonne continuation
    Bisous
    Brigitte

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *